Saison 6 : Les Forteresses de Gurshad Shaheman
Présentation orale par un groupe d’élèves de seconde 2 de Madame Viennot-Franca – Avril Albarède, Lucie Dupuis, Lina Silini, Assia Ait Krim, Luke Chen et Lila Debierre.

Les forteresses est une pièce de théâtre divisée en trois parties et composée uniquement de monologues partagés entre trois sœurs. Cette pièce raconte l’histoire de ces trois sœurs en Iran, de la chute du shah jusqu’à aujourd’hui. Ces sœurs se nomment Jeyran, Hominaz et Shady et elles s’adressent toutes au fils de Jeyran qui est l’auteur.
1 – Biographie de l’auteur, Gurshad Shaheman
Gurshad Shaheman a été formé à l’Ecole Régionale d’Acteurs de Cannes. En tant qu’acteur, il a notamment collaboré avec Thierry Bédard, Reza Baraheni, Thomas Gonzalez ou Gilbert Tsaï. Il interprète et écrit ses propres performances depuis 2012. Il a été le Lauréat 2017 du prix Hors les Murs de l’institut français. Gurshad Shaheman est allé à Athènes et à Beyrouth à la rencontre de réfugiés LGBT pour le spectacle « Il pourra toujours dire que c’est l’amour du prophète », mis en scène en 2018 à Avignon. Il est associé au théâtre Les Tanneurs à Bruxelles depuis juillet 2019. Il y a créé Silent Disco.

En France, Gurshad Shaheman est accompagné par le théâtre le Phénix qui est la scène nationale de Valenciennes, dans le cadre du Campus du Pôle européen de la création. Il intervient à l’ERACM, dans divers conservatoires en France, ainsi que dans l’antenne belge du Cours Florent à Bruxelles. Il a également joué dans Bright Room de Tony Kusher mis en scène par Catherine Marnas ainsi que dans After de Tatiana Julien.

2. Résumé détaillé de la pièce et analyses
Les trois sœurs Jeyran, Hominaz et Shady s’adressent donc toutes au fils de Jeyran.
La première sœur, Jeyran a toujours voulu faire de grandes études scientifiques, malheureusement à cause du régime politique, elle a dû faire des études de droit. Elle se marie alors qu’elle est encore étudiante. Son mari la prive petit à petit de liberté mais la laisse étudier. Elle milite contre le régime du shah avec les autres étudiants, mais les restrictions imposées par son mari, lui évitent de se faire emprisonner.
Le renversement du shah entraîne plusieurs bouleversements dans sa vie. Elle retourne à l’université et obtient sa licence de droit, puis son mari l’expulse de chez lui avec ses enfants. Elle part peu de temps après en France, à Lille, où elle intègre une faculté afin d’apprendre le français et d’obtenir un visa étudiant. Jeyran fait valoir sa licence de droit et obtient avec mention une maîtrise en sciences de l’enseignement. Elle obtient la nationalité française avec sa fille ; pour son fils, devenu majeur, la démarche en revanche, est plus compliquée mais il parviendra tout de même à devenir français lui aussi.

Shady, elle, s’est toujours sentie invisible dans sa famille nombreuse. Lorsqu’elle est étudiante, elle milite beaucoup et se retrouve emprisonnée avec d’autres militantes dans des conditions extrêmes. Heureusement, des prostituées sont enfermées à côté de sa cellule et aident Shady et ses amies militantes à survivre. A sa sortie de prison, son père refuse de lui parler et de la laisser vivre sous son toit.
Shady part donc en France, mais elle revient en Iran rapidement car elle sentait qu’elle était un poids pour son frère chez qui elle était allée vivre. Elle revient en Iran où elle se marie et a deux enfants. Son mari est extrêmement violent avec elle et les enfants. Il revend illégalement des cassettes VHS, et lorsqu’il est découvert, il se fait emprisonner dans la prison d’Evin. Shady en profite pour partir en Allemagne où elle vivra dans des conditions terribles avant d’obtenir la nationalité allemande. Sa situation financière est toujours précaire et elle doit alterner entre plusieurs métiers pour subvenir à ses besoins.
Hominaz se marie très jeune. Lorsque la guerre entre l’Iran et l’Iraq éclate, sa ville est bombardée et elle doit se réfugier dans un village aux conditions très précaires. Mais elle ne se laisse pas abattre et se met à apprendre comment entretenir la ferme où elle s’est réfugiée avec ses enfants. Après la guerre, la mort de son père et sa profonde solitude lui causent une dépression dont elle réussit à sortir notamment grâce à son aide ménagère. Elle est très fière de la liberté qu’elle a pu acquérir, chose rare en Iran.
3 – Choix des extraits

Ce premier passage est significatif du moment où tout bascule dans l’extrême, où Shady comprend qu’elle ne retrouvera pas sa liberté d’avant son emprisonnement.


Ce deuxième passage est très prégnant, c’est le début de la guerre, Hominaz est directement touchée, en effet sa ville se fait bombarder par des avions irakiens et cela la marquera profondément.

© Edition Les Forteresses intempestives

Cette scène est extrêmement choquante par sa violence et le fait qu’elle soit inculquée si tôt aux enfants. Elle nous fait comprendre que l’extrémisme a entièrement atteint le pays.

© Edition Les Forteresses intempestives
4- Impressions de nos jeunes critiques
Après la lecture de la pièce, nous nous sommes sentis extrêmement mal à l’aise et traumatisés. La guerre, les violences conjugales et les viols ne sont pas des sujets évidents à partager ni à lire. Mais en même temps, nous étions gagnés par un sentiment d’héroïsme. Nous avons éprouvé de la fierté pour ces femmes combattant contre les normes de leur société, survivant à des situations atroces et luttant pour sortir de leurs situations difficiles.
La lecture de la pièce peut choquer et rendre inconfortable. Cependant, elle peut faire l’objet d’exemple de sensibilisation aux combats que les personnages mènent et endurent, car elle est bien écrite et enrichit notre culture, bien qu’elle ne soit pas facile, émotionnellement à lire. Nous nous sentons tristes de ne pas avoir été là pour aider ces femmes dans leurs accomplissements et souffrances. Mais nous sommes également fiers d’avoir porté un si lourd traumatisme avec elles tout au long de cette œuvre. Nous nous sentons protégés et incarnés par elles, en sachant à quoi elles ont survécu et en sentant la sagesse qu’elles ont acquis par l’expérience. Cela nous apporte de l’espoir, sachant que d’autres personnes sur leur modèle, poursuivront leurs combats.

La pièce Les Forteresses de Gurshad Shaheman nous fait l’effet « d’une claque dans la gueule » comme on pourrait le dire familièrement. Hominaz, Jayran et Shady sont trois femmes que nous ne pourrons jamais oublier. Leurs histoires, leurs vies ne cessent de raisonner dans nos têtes. Nous avons voyagé à travers leurs voix, à travers leurs cœurs dans ce pays bien méconnu des occidentaux, l’Iran. Ces femmes représentent l’espoir, la liberté et la sororité.
Ce qu’elles ont vécu et leur fougue indomptable, sont les seules choses qu’on ne pourra jamais leur enlever. Tout au long de la pièce, nous sommes transportés dans leur corps, dans leurs sensations, nous vivons avec elles leurs souvenirs, nous sommes à la fois lecteurs et locuteurs. Nous sommes traversés par des émotions enivrantes, nous passons du rire aux larmes, de la tristesse à la joie, de la colère à la compassion, de la peur au dégoût.

Quand nous avons terminé la lecture de cette pièce, nous avons ressenti une douleur extrême qui s’est caractérisée par une immense colère. Nous étions en colère de ne rien pouvoir faire, nous étions en colère contre ce gouvernement misogyne et fanatique, nous étions en colère contre les hommes qui ne laissent pas leur chance aux femmes de vivre et de penser librement. Nous avons eu envie de crier. Nous sommes plus qu’admiratifs de ces incroyables femmes qui ont risqué leur vie pour sauver leurs droits et leur liberté et plus qu’émerveillés par ces Iraniennes qui on subi la trahison de leur patrie et ont vu la tyrannie s’installer en si peu de temps dans leur pays, alors qu’elles venaient juste d’obtenir le droit de voter et où la démocratie venait de s’installer.
Cette pièce transmet ce besoin de rébellion, de révolution. Nous n’avons qu’un mot à dire à ses femmes : merci, merci d’être les femmes, les mères, les tantes, les résistantes, qu’elles ont été et qu’elles sont encore.
